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Alors que je me destinais à la diplomatie, un ami m'a un jour de 1968 proposé de l'assister dans la réalisation d'un documentaire sur une création de Maurice Béjart... Durant une semaine je fus plongé dans l'univers fascinant du chorégraphe français dont le prochain ballet s'appellerait BAUDELAIRE...
Une double découverte: celle de la danse que Béjart utilisait principalement pour exprimer une pensée et celle de Baudelaire dont l'univers avait tout pour séduire quelqu'un de ma génération par ailleurs immergé dans le grand tournant qui s'amorçait mondialement... Du jour au lendemain, j'ai décidé de modifier mes prévisions de carrière et de me lancer corps et âme dans le dur apprentissage de la danse. Un défi de taille car il était quasi inimaginable pour un garçon de commencer à danser à près de 18 ans. "Tu es fou!" me disait-on. "Ce n'est pas un métier... de plus, il faut commencer à l'apprendre dès le plus jeune âge... et en tout cas pour un garçon, au plus tard à 12 ans..." J'étais fou, en effet... de joie à l'idée de rentrer un jour dans la compagnie de Béjart. A raison de 4 à 5 heures par jour, cumulées avec mes cours que je n'avais pas abandonnés, je me suis retrouvé trois ans plus tard dans une salle de répétition de Béjart, passant une audition devant le Maître... Je ne doutais pas qu'il m'engagerait dans sa compagnie!... Ce fut le cas et le début de sept années pendant lesquelles j'ai connu, tour à tour, parmi les plus grandes expériences artistiques de l'époque, les plus dures heures de travail, les remises en question permanentes, les extraordinaires extases lors de prouesses techniques et les interminables tentatives tantôt de les réitérer, tantôt d'en atteindre d'autres. Mais j'ai surtout connu la fascination d'être sur scène devant des milliers, et parfois des dizaines de milliers de spectateurs à qui il fallait avant tout faire penser que danser était la chose la plus naturelle au monde... J'ai aussi compris définitivement le sens du mot "HUMILITE"... Car aussi parfait soit-on techniquement encore faut-il être capable d'exprimer, de donner entièrement sans rien attendre en retour sinon le signe du bonheur que l'on procure... Voilà qui me fit une belle jambe, car la vie, non plutôt la société, notre société ne basait évidemment pas ses principes sur des valeurs pareilles. Je le savais, mais je n'étais malgré tout pas près de renoncer pour autant... L'avenir qui se dessinait devant moi allait me le démontrer à maintes reprises... Que des défis en perspective!... |
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